Fragiles existences. Orienter sa vie


La force d’une parole reliée à Dieu doit aller jusqu’à croire qu’il n’y a pas de malédiction dans l’histoire humaine. C’est un des enjeux de la parole croyante : refuser de croire qu’il n’y aurait plus de possible, et au cœur même des drames de l’existence et de leur prise au sérieux.


« Quand j’écoute des personnes qui portent douleurs et blessures, je cherche intérieurement, sans me lasser, avec opiniâtreté, comment trouver une brèche à la fatalité, au poids insoutenable du malheur. Nous avons peut-être le droit de penser – parfois – qu’à vue humaine ces personnes ne parviendront pas à s’en sortir. Par fatigue, parce que nous avons le sentiment que tout a été essayé.

Il est alors impératif de se recueillir ailleurs, au fond de soi, là où pour moi Dieu se tient, suppliant de trouver la force, la foi, l’intelligence de persévérer dans cette quête d’une ouverture, d’une porte étroite. Peut-être ne la verrons-nous pas nous-mêmes, mais nous ne pouvons nous résoudre à ce que rien ne soit possible. Quand quelqu’un me dit : « Ma vie est foutue », il est de ma charge de croire pour deux, non à sa place, mais pour lui. Le temps nécessaire. Pour ma part, je ne le peux sans le Christ ; non pour trouver des solutions, mais pour trouver le souffle du courage comme de la persévérance.

Sa passion et sa résurrection sont l’affirmation qu’il n’y a pas de fatalité (de fatum, disaient les grecs).

A nous de le traduire dans des petits riens, à travers nos fragiles histoires. Par nos gestes, par un art d’aimer et par une parole vraie. Vraie parce qu’elle habite notre chair, notre sensibilité. Depuis l’entrée de Dieu dans notre humanité, le plus spirituel se dit dans le plus charnel. Ce charnel montre l’invisible. »

Véronique MARGRON,

Référence: Bayard, 2010, pp. 51-52


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